
de Yukiko Mishima ( 2 h03 ) Japon – 2022
Fiche technique :
- Titre original : Red
- Réalisation : Yukiko Mishima
- Scénario : Yukiko Mishima et Ikeda Chihiro, d’après l’œuvre de Rio Shimamoto
- Musique : Takuto Tanaka(ja)
- Décors : Kimie Kurotaki
- Photographie : Shin’ya Kimura(ja)
- Montage : Hitomi Katō(ja)
- Producteur : Satoshi Akagi, Yumi Arakawa et Suguru Kubota
Synopsis :
C’est en recroisant son ancien amant de faculté, que Toko, depuis longtemps femme au foyer, voit soudain renaître en elle le désir de travailler, et de reprendre son métier d’architecte. Mais peut-on jamais réinventer sa vie ?
Réalisateur :
Née le 22 avril 1969 à Osaka, Yukiko Mishima a toujours aspiré à devenir cinéaste d’aussi loin qu’elle se souvienne. Son nom de naissance a été choisi par son père, qui était un fervent fan du célèbre auteur Yukio Mishima. Elle réalise son premier film en tant qu’étudiante au Kobe College avec l’argent qu’elle a économisé grâce à divers emplois à temps partiel. Après l’obtention de son diplôme, elle commence à réaliser des documentaires pour NHK, la seule chaîne de diffusion publique au Japon. Elle démissionne finalement pour se consacrer à sa carrière personnelle et réalise son premier long métrage, Shisei, en 2009. Son film le plus connu jusque-là est Dear Etranger, qui remporte le Grand Prix spécial du jury au Festival des films du monde de Montréal en 2017. Elle est l’une des rares réalisatrices japonaises dont le travail a été présenté dans des festivals internationaux
L’interview :
Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser The Housewife ?
Trois motifs m’y ont poussée. Le premier est que j’ai perdu mon père et que la maison dans laquelle j’ai grandi a disparu : fatalement, mon point de départ allait être la famille et ses douleurs. Deuxièmement, j’ai senti qu’il était temps pour la société japonaise actuelle d’envisager différentes formes de connexion, au-delà des connexions sanguines. Troisièmement, je voulais réaliser un film sur la découverte de soi qui s’opère dans le choc des altérités, que ce soit par la rencontre ou le conflit. Lorsque j’ai lu « Red » de l’écrivaine Rio Shimamoto, j’ai aussitôt eu envie de l’adapter, tant le livre aborde de manière subtile et précise l’aliénation des femmes lorsqu’on les empêche de réaliser leur potentiel et d’exprimer leur propre volonté, leur individualité, a fortiori dans le mariage. The Housewife est ainsi une histoire d’amour pour tous les âges, et une version japonaise de la pièce de 1879 d’Henrik Ibsen, « Une maison de poupée ».
Pouvez-vous expliquer davantage le rapport que les Japonais entretiennent avec les liens du sang ?
Il faut savoir qu’au Japon, nous disons que « le sang est plus épais que l’eau ». C’est une manière de dire que la connexion sanguine est plus profonde et plus forte que toute autre connexion. Même si au Japon, le taux de divorce et de remariage augmente, même si la société est en train de changer, la majorité des gens considèrent toujours que le lien du sang est le plus important. Cette obsession pour la famille crée beaucoup d’aliénation et me fait parfois peur. Pourtant, à côté de soi, il n’y a pas que la famille : il y a aussi tous les « autres ». Et la chimie entre ce soi et les autres signifie « vivre une vie ». Le lien qui en résulte peut-être bien plus fort, bien plus vital, que les liens du sang.
On a tous et toutes grandi avec l’idée que la relation de couple était l’idéal amoureux, même si les choses sont amenées à évoluer. Ce modèle comporte des étapes censées nous mener au mariage, à la parentalité, à la propriété…
Tout à fait, et au Japon, il est très difficile d’expérimenter l’amour s’il n’est pas vécu selon ce schéma. Le mariage y est moins l’union de deux individus qu’une femme qui rejoint la famille d’un homme et son foyer. Le regard social sur les personnes célibataires est tel qu’un business de « location de proches » a fini par se mettre en place. C’est d’ailleurs le sujet de Family Romance que Werner Herzog a réalisé récemment. Avec ce système, vous n’avez plus à assumer votre solitude : vous pouvez payer un acteur qui se fera passer pour votre partenaire et vous accompagnera à un mariage, par exemple, plutôt que d’y arriver seul… La pression est telle au Japon qu’il est très difficile de voir le célibat comme une expérience de solitude source de plénitude, où l’on peut se confronter à soi, s’explorer. Au contraire, c’est une expérience où l’on se confronte d’abord à la société. C’est pourquoi beaucoup de personnes préfèrent s’en préserver et se marient par dépit, pour éviter d’avoir l’air défaillants au regard des attentes sociétales : cela donne forcément des mariages malheureux, ennuyeux et dysfonctionnels comme celui de Toko qui ne trouve la force de faire un pas de côté que lorsqu’elle recroise Kurata, son ancien amant… Mais cette passion aussi est aliénante, tant cet amour est vécu avec culpabilité.
Critiques :
Yukiko Mishima par la seule expressivité des plans filme sa romance comme un thriller, suffisamment énigmatique pour mettre le spectateur dans un état d’alerte constant, toujours attentif au moindre détail ; à tout moment, le film pourrait vriller, déraper, ce qu’il ne fait pas. Culturopoing.com
Sous ses dehors de mélo romantique façon In The Mood For Love, Yukiko Mishima filme la passion amoureuse avec une acuité et une délicatesse inouïes, de l’exaltation des sentiments aux étreintes charnelles. Le journal du dimanche
Le portrait juste et maîtrisé d’une jeune femme qui tente de se libérer de ce que la société réclame d’elle. Cinéma Teaser
Le film n’évite pas le mélo, mais la question centrale demeure : dans une société ultra-traditionnelle, quid du désir de la femme ? Là, le film touche juste. L’Obs