Tel père, tel fils
De Hirokazu Kore-eda (deux heures)
Pays d’origine ( Japon 2013)
Scénario :
Deux bébés ont été intervertis à la maternité .Les familles, l’une riche et un peu coincée, l’autre modeste et bohème, l’apprennent six ans après…De ce postulat Etienne Chatilez avait tiré une comédie satirique et bon enfant, La vie est un long fleuve tranquille .Le Japonais Kore-eda chronique, lui, les conséquences psychologiques d’une telle révélation. Tous les repères volent en éclats
Interprétation : Masaharu Fukuyama, Mashito Ono ,Yoko Maki ,Lily Franki…
Synopsis :
Keita est un petit garçon de 5/6 ans qui reçoit outre l’affection de ses parents tout ce que procure une éducation soignée, des bonnes manières aux leçons de piano en passant par les exigences d’une réussite future, à l’exemple de celle de son père, l’architecte Ryota. La mère semble totalement dévouée aux siens et à ce projet. Toute l’attention et les interrogations du réalisateur vont se concentrer sur le personnage d Ryota. L’autre couple parental est d’un autre acabit : lui est un quincailler de quartier qui remet volontiers au lendemain ce qui l’encombre .Sa femme entretient avec son mari et leurs trois enfants des relations plus spontanées .Bien que les situant dans un milieu populaire, Kore-eda souligne une autre approche de la vie, au sein d’une société codifiée à l’extrème .Les deux familles semblent contraintes d’échanger les deux garçonnets nés le même jour, restituant à la biologie ce qui est censé lui revenir. Expérimentation qui se déroulera avec toute la subtilité, la grande délicatesse et l’intelligence que le cinéaste porte à son propos.
Réalisateur et filmographie :
Tel père,tel fils son dernier film a reçu le prix du jury lors du dernier festival de Cannes .Après Still walking et Nobody knows Hirokazu confirme qu’il est le nouveau grand du cinéma japonais et que son sujet de prédilection se trouve être l’enfance. Sur le visage des jeunes il est toujours habile à montrer l’incompréhension douloureuse. Tout cela pourrait verser dans le cinéma sociologique, sérieux comme un mandarin d’université si Hirokazu ne portait un regard aussi fin et humoristique .Jamais ennuyeux, le film est relativement long selon une architecture patiente et complexe qui rétribue le spectateur au centuple par la tranquille maturation du récit et des personnages comme chez Chaplin et Ozu. Steven Spielberg a tellement aimé Tel père, tel fils qu’en plus de lui attribuer le prix du jury ,il s’est empressé d’en racheter les droits d’adaptation.
L’originalité de ce film : à travers cette trame de fait divers, Hirokazu s’interroge sur la nature et la force du lien filial avec en guise de pierre d’achoppement, cette vertigineuse question : qu’est-ce qui transforme un homme en père ? Qu’est-ce qui prime, du lien du sang ou du temps passé à nouer une relation affective ? Que transmet-on réellement ? Comment ? Quelle est la part de l’inné ? De l’acquis ?
La critique :
La délicatesse et l’humanisme sont les maitres mots d’une filmographie qui touche à la perfection depuis Nobody knows,en 2004, chronique de quatre jeunes frères et sœurs livrés à euxmêmes ou Still walking en 2009, portrait d’une famille endeuillée. (Reuters)
« Tel père, tel fils » aurait pu s’appeler autrement. Le titre japonais signifie : « Etre un père après tout ! » Dans ce film, il n’y a que le titre français qui cloche ! (Rue 89 )
Propos du réalisateur :
« Il est vrai que cette conception japonaise de la famille idéale est pleine de fissures .Toute l’histoire de mon film est très violente et donne finalement l’image d’un monde renversé : le modeste père commerçant a fondé une famille ouverte. Nourrir un enfant de plus ne lui pose pas de problème. Pour Ryota, le père aisé, la vie est cadrée de telle façon qu’il ne peut l’envisager. Lui est capable de payer pour son enfant mais pas de l’élever. De fait, l’un a appris l’autre doit encore apprendre. Comme nombre de pères au Japon, Yudai n’essaie pas d’être père, il l’est. Ryota doit le devenir. » (Hirokazu )