Le film à voir absolument cette semaine est un régal pour tous les cinéphiles:
DALTON TRUMBO de Jay Roach
C’est non seulement un très bon biopic retraçant la lutte des scénaristes d’Hollywood face au maccarthysme, mais il est aussi rempli de références au cinéma de cette époque. Les apparitions des acteurs joués par des comédiens actuels constituent un plaisir réel et remettent en mémoire les films cités de Wilder à Preminger en passant par Kubrick.
Le combat de ce scénariste génial pour continuer à travailler sans signer ses œuvres, face aux bien pensants un brin racistes du milieu du cinéma de cette grande période, est à la fois exemplaire et passionnant.
Le film ne déroge pas bien sûr à la loi du genre et la réalisation ne prend jamais le pas sur le sujet, mais la reconstitution de la période historique est impeccable et la photo est superbe. Les acteurs surtout sont formidables en particulier Brian Cranston, acteur de la célèbre série Breaking Bad, qui montre ici qu’il est à la hauteur des plus grands suggérant à la fois l’intelligence phénoménale de son modèle, mais aussi sa tendresse et ses doutes face à sa famille notamment. Mais il est fort bien entouré: Helen Mirren compose la chroniqueuse redoutable d’Hollywood Hedda Hopper avec beaucoup d’humour, et voir John Goodman réclamer des films avec des gorilles au scénariste de films aussi brillants que VACANCES ROMAINES ou SPARTACUS , ne manque pas de sel !
L’intérêt majeur de ce film, me semble-t-il, est de montrer comment subsister dans ce milieu relevait ( et relève peut être encore) de l’exploit et combien la création et le combat politique sont inextricablement liés. Trumbo écrit des films comme il défend ses idées, avec acharnement et dignité même dans les moments les plus difficiles. Son discours final, lorsque cette lutte est finie, suscite à la fois l’émotion et l’admiration. Restez d’ailleurs jusqu’au bout du générique pour voir l’extrait d’interview réelle de Trumbo en hommage à sa fille…
Mais la qualité de l’œuvre est aussi de ne pas cacher la part d’ambigüité du personnage: se bat-il pour la cause politique ou pour reconquérir la gloire perdue? Le jeu du comédien sert à semer le trouble dans l’esprit du spectateur partagé entre la sympathie et le doute.
Pas d’hagiographie donc, mais un salutaire rappel du combat de tous les artistes pour garder leur liberté et leurs convictions face à des industries du rêve, vite transformé en cauchemar, quand le puritanisme et l’intolérance se font un peu trop entendre.
Laurence FULLEDA