Queen and Country

Queen and countryQueen and Country

De John Boorman  – Grande-Bretagne – 2015 – 1h55
Avec Callum Turner, Caleb Landry Jones, David Thewlis

Synopsis :
Bill Rohan, personnage de séduisant jeune homme inspiré par celui que fut John Boorman lui-même, va sur ses 20 ans en rêvant de cinéma et de jolies filles. Mais il doit d’abord servir son pays, deux ans durant, en tant qu’instructeur dans un camp où les soldats sont préparés à combattre en Corée. Avec son ami le facétieux Percy, il est alors confronté à la vieille garde de la hiérarchie militaire, notamment ce navrant Bradley, un sergent psychorigide. Peu importe, les deux zigues sont bien décidés à expérimenter leurs premières sorties, premières amours…

Critiques:
Queen and Country a la saveur des vieilles photos familiales des temps révolus et de ces chers disparus. Non seulement il leur redonne vie, mais il leur rend également leurs couleurs et leurs éclats de rire. Alors oui, le cinéma de Boorman est celui d’un vieil homme longtemps tourmenté et pessimiste, mais désormais apaisé et regardant l’humanité avec humour et ironie. D’Excalibur, de Délivrance ou de La Forêt d’émeraude, on ne retrouve peut-être pas ici le lyrisme, la force métaphorique et l’ambition de ses œuvres précédentes, mais c’est tout à l’honneur de Boorman d’avoir volontairement opté pour ce ton tout en mineur, qui fait passer la vie pour une fantasmagorie.
À y regarder de plus prés, ses thèmes de prédilections sont bien présents, mais traités sous un ton léger comme pour mieux faire front à la violence du réel. Un souffle de liberté, d’impertinence et d’insoumission parcourt Queen and Country et fait ressentir la rébellion sous le rire. Cultureaupoing

John Boorman a attendu d’avoir 81 ans pour donner une suite à Hope and glory, qui retraçait ses jeunes années dans un Londres frappé par le Blitz. Ce tardif retour de l’autobiographie est très émouvant. D’autant que ce probable chant du cygne met fin à une décennie de films jamais sortis en France (In my country, The Tiger’s Tail)… Il sera peu question de reine ou de patriotisme dans Queen and country, mais beaucoup des amours naissantes du troufion Bill, double du cinéaste, qui fait son service militaire alors qu’Elizabeth II accède au trône, au début des années 1950. Les truculentes scènes de la vie de caserne avec officier sadique et perm en galante compagnie précèdent le retour à la vie civile : le héros rejoint, alors, le cottage familial sur une île au milieu de la Tamise et s’initie au cinéma, en compagnie d’une soeur aînée aux baisers incestueux (Vanessa Kirby, tornade de charme). Commencé dans la veine de M.A.S.H., le film s’achève sous l’influence mélancolique de Tchekhov : le vétéran Boorman peut prendre sa retraite sans rougir. — Jérémie Coust (Telerama)

Des péripéties déterminantes auxquelles Boorman aime encore réfléchir du haut de son grand âge. « Je suis arrivé à un point où la vie paraît encore plus absurde qu’elle ne l’est déjà. Je regarde les choses avec plus de détachement, le monde me paraît de plus en plus étrange. L’intensité et l’action ne font plus partie de mon quotidien. Cela tombe bien, j’ai toujours apprécié l’absurde et regretté de ne pas avoir rencontré Beckett! En revanche, je ne suis pas du tout détaché de mon passé. Il me paraît extrêmement réel et plaisant à ¬remémorer, c’est l’un des rares avantages de la vieillesse. » JDD

John Boorman (1933-2015) :
John Boorman est né dans la ville de Shepperton, dans la banlieue de Londres. Il grandit à côté des studios de cinéma de la ville. Boorman passe une partie de son enfance chez les Jésuites et sa jeunesse est marquée par les bombardements allemands pendant la seconde guerre mondiale. Il fera le récit de cette période difficile dans « Hope and glory ». John Boorman intégrera d’ailleurs beaucoup d’éléments autobiographiques dans ses œuvres.
À dix-huit ans, il gagne sa vie en étant critique de cinéma à la radio et en écrivant des articles pour divers magazines. Réalisateur anglais le plus brillant et le plus original de sa génération, il a fait ses premières armes à la télévision.
En 1965, il tourne son premier long métrage « Sauve qui peut ». L’année suivante, retour au documentaire avec un film sur D.W. Griffith, « The Great Director ». C’est en faisant des recherches sur Griffith que John Boorman rencontre Judd Bernard, qui lui confie le script du film policier « Le Point de non retour » avec Lee Marvin. L’année suivante, Boorman dirige à nouveau Marvin pour « Duel dans le Pacifique », un huis clos à ciel ouvert avec Toshirô Mifune, l’acteur fétiche d’Akira Kurosawa.
En 1970, il rentre à Londres pour tourner « Leo the Last » avec Marcello Mastroianni. Deux ans plus tard, il retourne aux Etats-Unis pour réaliser « Délivrance »; le film est un immense succès critique. Après ce succès, Boorman  écrit un scénario original d’anticipation très pessimiste: « Zardoz » qu’il tournera en Irlande. Malgré la présence de Sean Connery au générique, le film sera un échec cuisant. Boorman réalise alors la suite de « L’ Exorciste » de William Friedkin, « L’ Exorciste 2 – l’hérétique », un film de commande.
Le cinéaste met alors quatre années pour réaliser ce qui restera sans doute comme le chef-d’œuvre de sa carrière : « Excalibur ». Commence alors pour lui une décennie de succès. Il enchaîne « La Forêt d’émeraude », « La guerre à sept ans » et « Tout pour réussir ». John Boorman réalise en 1994 « Rangoon », un film de studio sur la dictature en Birmanie avec Patricia Arquette. En 1998, il revient avec « Le Général », un film indépendant. Filmé en noir et blanc, le film est récompensé à Cannes par le prix de la mise en scène. Après trois années de silence, John Boorman signe « Le Tailleur de Panama », un film d’espionnage avec Pierce Brosnan.
En 2004, le cinéaste dirige Juliette Binoche dans « Country of my skull », un film se passant en Afrique du Sud. Véritable nomade du cinéma, Boorman se ballade entre les États-Unis, l’Angleterre et l’Irlande depuis maintenant plus de trente-cinq ans. Il tourne deux ans plus tard « The Tiger’s Tail », comédie policière avec pour interprètes principaux Kim Catrall et Brendan Gleeson. « Queen and Country » est son dernier film , il décédera peu de temps après la sortie du film.

Paroles du réalisateur :
« En fait tout ce que je raconte est très proche de la réalité. J’ai récemment lu un essai sur la mémoire. L’auteur disait que la mémoire et l’imagination sont la même chose. Quand on évoque un souvenir, on le fait avec des mots. C’est une façon de solliciter son imagination pour construire son histoire. C’est exactement ce que j’ai fait en réalisant ce film. La relation entre la mémoire et l’imagination est tout à fait mystérieuse. Concernant les événements qui sont relatés dans le film, je dirais que tout est arrivé. Mais j’ai exagéré le personnage d’Ophélie. Elle n’a pas eu cette importance dans ma vie. Elle était d’une classe supérieure, et elle avait caché son nom, car elle avait conscience du fossé social qui nous séparait. J’étais d’une famille appartenant à la classe moyenne, assez modeste. Et c’était une aristocrate. Rien ne pouvait se passer entre nous… J’ai exagéré sa situation, car elle n’était pas au service de la reine. »

« Pour tourner un film, j’ai besoin d’un cadre physique, d’un endroit, d’un paysage. J’ai beau avoir mes acteurs, mon histoire, tant que je n’ai pas ce lieu, je n’ai pas mon film. Ce décor, ce paysage, ça peut même être une ville ou un quartier, mais dans mon esprit, il doit être spécifique, il doit infester l’écran, il doit tenir son rôle, être actif ou réactif, pas simplement de la décoration graphique, du remplissage d’écran. Chaque film est un monde et le décor, le paysage, fait partie intégrante de ce monde, de la même façon que tous les autres éléments cinématographiques, que ce soit le choix d’une pellicule, d’une focale, d’un type de caméra, de mise en scène, l’étalonnage, le montage, etc. »

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