Qui chante là-bas?

Qui chante là-bas?

  de Slobodan Sijan

(1980) Yougoslavie 1h30

Scénario : Dušan Kovačević ; Avec Pavle Vujisic, Dragan Nikolic, Danilo Stojkovic

Synopsis :

A la veille de l’invasion de la Yougoslavie, le 5 avril 1941, le voyage d’un autobus bringuebalant et de ses passagers dans la campagne. Le microcosme d’une population désabusée dans un pays au bord du désastre

En suivant pas à pas le voyage de quelques individus symbolisant les différentes classes sociales yougoslaves dans un bus se rendant à Belgrade, les auteurs ont saisi l’opportunité de faire de cet espace clos un microcosme révélateur des tensions d’une société profondément divisée. Avec un humour constant qui évoque parfois les délires de Kusturica – le baroque en moins – Qui chante là-bas ? est une œuvre irrésistible qui séduit par la justesse de son ton. Cherchant à montrer toutes les bassesses humaines et à stigmatiser la connerie sous toutes ses formes, les auteurs prennent également pour cadre une période historique spécifique, à savoir le bombardement de Belgrade en avril 1941 par les troupes allemandes. Dès lors, les réactions instinctives des différents protagonistes, toujours prêts à exclure les autres pour peu qu’ils soient différents, revêtent un caractère hautement symbolique qui annoncent les horreurs à venir (pour mémoire la région fut ensuite la proie d’une violence froide de la part des Oustachis, ces fascistes croates qui ont aidé les nazis à pratiquer une épuration religieuse et ethnique sanglante, notamment envers les Serbes et les Tziganes (Avoir à lire)

Un parallèle avec la société serbe peut être dessiné, et était probablement plus ou moins intentionnel de la part de l’habile scénariste Kovacevic, vis-à-vis du comportement des autres personnages envers les Roms. Leur présence, leur existence, avec l’exception notable de la scène du vol déjà mentionnée, est à peine reconnue par les Serbes. Néanmoins, ils survivent contre toute probabilité. Marginalisés, souvent rejetés, ils demeurent tout de même en vie, continuant leur existence et leur chant. Peut-on dire que Qui chante là-bas ? est un hommage aux Roms de Serbie et qu’il tente, par bien des façons, d’outrepasser les stéréotypes et la généralisation des problèmes liées au traitement des Roms ?

Des péripéties tragi-comiques diverses et variées permettent au voyage de s’éterniser, au film de durer. De quoi montrer avec une certaine précision l’hypocrisie de ceux qui s’offusquent des ébats des jeunes époux tout en s’en délectant avec envie, cachés en voyeurs salivants. Le pointillisme implacable du contrôleur du car qui applique le règlement à la lettre et jusqu’à l’absurde, et qui n’admet pas que l’on chante dans son car. Son mépris pour ses semblables et son mercantilisme farouche. Le racisme envers les Tziganes reposant sur les plus lourds des clichés et qui n’attend que la moindre occasion pour montrer sa face hideuse. La lâcheté de ceux qui ne cherchent pas à venir en aide à un passager tombant dans l’eau d’une rivière.

Le cinéma de Sijan n’a rien du baroque fou de celui d’un Kusturiça, mais son style est ici de l’ordre de la caricature, du « grotesque » comme l’auteur se plaît à le dire. Avec raison, Sijan se réfère au slapstick, au burlesque, tout en revendiquant un certain réalisme, tout en affirmant respecter le vraisemblable.

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