Othello
de Orson Welles USA/France/Italie/ Maroc (1952 – 95 minutes )
Réalisation : Orson Welles
Scénario et adaptation : Orson Welles, d’après William Shakespeare
Photo : Anchise Brizzi, George Fanto, Alberto Fusi, Aldo Graziati et Oberdan Troiani
Décors : Alexandre Trauner
Costumes : Maria De Matteis
Montage : Jean Sacha
Musique : Alberto Barberis, Angelo Francesco Lavagnino
Avec Orson Welles (Othello), Micheál MacLiammóir (en) (Iago), Suzanne Cloutier (Desdémone)
Robert Coote (Roderigo), Michael Lawrence (Cassio), Fay Compton (Emilia)
Synopsis
À Venise, les succès militaires du général Othello, dit le maure, et son mariage avec la belle Desdémona, fille du sénateur Barbantio, suscitent à la fois l’admiration et la jalousie. Iago, lieutenant d’Othello, va semer le doute dans l’esprit de son général quant à la fidélité de son épouse. Cupide, Iago ne cherche qu’à assouvir son ambition, et tente de parvenir à ses fins en manipulant adroitement chaque personnage.
Critiques et commentaires d’hier et d’aujourd’hui
« Othello » s’intègre dans l’œuvre welsienne sans heurter, ni modifier les thèmes et la signification profonde. A travers le More de Venise, le citoyen Kane fait triompher son propre personnage. Dans toutes les œuvres de Welles, qu’elles aient pour cadre l’Amérique de Hearst ou la Venise du temps des Doges, éclate l’une des formes fondamentales de la tragédie des temps modernes. Tragédie de l’homme enfant calme et fort et que les tentations ou la perfidie de notre société corrompent ou détruisent. ( 1952)
« Orson Welles est une manière de géant au regard enfantin, un arbre bourré d’oiseaux et d’ombre, un chien qui a cassé sa chaine et se couche dans les plates-bandes, un paresseux actif, un fou sage, une solitude entourée de monde » (Jean Cocteau 1952)
En plus d’offrir une puissance visuelle à couper le souffle, Othello fait partie de ces rares films à véhiculer quasi exclusivement leur message et leurs émotions au moyen d’outils purement cinématographiques et sans jamais recourir à la facilité apportée par le support littéraire. Avec Othello, Orson Welles, malgré toutes les vicissitudes et les quelques rares maladresses techniques, exprime la quintessence de son art avec la vigueur d’un général en campagne, l’intensité d’un poète maudit et la malice d’un cinéaste marginal qui ne s’en laissera jamais compter ( Commentaires après la re-sortie en 2014)
Montage éclaté, véritable kaléidoscope de visions, hallucinantes contre-plongées, subtils jeux d’ombres et de lumières. Welles a beaucoup coupé la pièce( la version intégrale avec Laurence Olivier, est presque trois fois plus longue) mais respecté l’esprit shakespearien. Jouets du destin, victime d’une odieuse manipulation, les personnages apparaissent au loin, minuscules dans un décor immense. Le milieu définit l’action: devant la caméra de Welles, Venise n’est qu’un complot, et le fort chypriote, écrasé de soleil, un lieu aveuglant, où la vérité se dérobe. Les hauts murs de pierre incarnent une puissance brutale, une barbarie qu’Othello trouvera en lui-même. La splendeur baroque de la mise en scène contraste avec la sobriété du jeu des comédiens. Le génie de Welles éclate à chaque plan. Ce magnifique Othello est un acte de foi dans le cinéma ( Aurélien Ferenczi Télérama 2015)