Le géant égoiste
De Clio Barnard Grande Bretagne 2013 (1h31 )
Avec Conner Chapman, Shawn Thomas,Sean Gilder
Synopsis :
Arbor, 13 ans ,et son meilleur ami Swifty habitent un quartier populaire de Bradford, au nord de l’Angleterre. Renvoyés de l’école, les deux adolescents rencontrent Kitten, un ferrailleur du coin. Ils commencent à travailler pour lui, collectant toutes sortes de métaux usagés. Kitten organise de temps à autre des courses de chevaux clandestines. Swifty éprouve une véritable tendresse pour les chevaux et a un véritable don pour les diriger, ce qui n’échappe pas au ferrailleur. Arbor, en guerre contre la terre entière, se dispute les faveurs de Kitten, en lui apportant toujours plus de métaux, au risque de se mettre en danger. L’amitié des deux garçons saura-t-elle résister au géant égoiste ?
Qui est Clio Barnard ?
Née en Californie en 1965, elle a vécu 19 ans à Otley près de Bradford( ( Yorks. ) où se passe le film. Elle a été témoin de l’exclusion d’enfants des cités. Son père était professeur des universités, spécialiste des poètes romantiques et sa mère artiste, chanteuse de jazz .Ses parents se sont séparés quand elle avait six ans et le père a élevé seul ses trois enfants dont Clio.
Elle a étudié les Beaux Arts à Leeds et Newcastle et a très tôt été attirée par le cinéma et a produit des courts métrages pour diverses galeries et musées des USA . Ses deux films portent la marque du réalisme.
Genèse du film :
C’est alors qu’elle tournait son premier long métrage « The Arbor » à Bradford qu’elle rencontra par hasard Matty ,un garçon d’origine gitane qui attira son attention et qui avec l’aide de son comparse Michael se rendait indispensable sur le lieu du tournage. Les deux garçons survivaient en récupérant des métaux qu’ils revendaient à un troisième larron qui sera le «Géant » du film. Ajoutons à cela que Clio Barnard songeait à réaliser un film adaptant le conte d’Oscar Wilde « Le géant égoiste ». A cette époque là, elle préparait « The Arbor » son premier long métrage qui évoquait Andréa Dunbar (1961-1990 ) dramaturge britannique de génie sortie des bidonvilles de Bradford.
Le style de Clio Barnard :
Elle admire beaucoup « Kes » de Ken Loach, « Le voleur de bicyclette « de De Sica, « Les 400 coups « de Truffaut, qui sont la filiation de Charles Dickens et deJules Vallès notamment où des enfants sont en butte au comportement d’autant de géants égoistes , voire même criminels.
Propos de la réalisatrice :
« Le géant égoïste » est certes un texte de l’ère victorienne , mais j’ai d’abord souhaité faire un film contemporain qui transcende les époques en fusionnant le conte de fées et le réalisme social ,deux genres apparemment contradictoires. On peut voir Kitten comme un équivalent de Fagin le personnage de Dickens, chef d’une famille de substitution, qui recueille les enfants livrés à eux-mêmes pour en faire des voleurs.
La notion d’un » retour vers le futur » est un thème clé de mon film. Ces enfants, avec leurs chevaux et leurs chariots, ferraillent et fouillent les poubelles dans un paysage désindustrialisé. Mes deux protagonistes survivent d’une manière qui préfigure peut-être leur avenir et celui de leur génération, dans un monde dépourvu d’emplois, où les ressources se raréfient…
Les courses sur route existent depuis des siècles. C’est une tradition gitane et il y a beaucoup de gens du voyage sédentarisés à Bradford. Cette coutume s’est étendue et attire désormais un public plus large. En fait, pour beaucoup d’adolescents défavorisés, le mode de vie gitan a quelque chose d’attirant.
La critique à la sortie du film (18.12.2013 ) :
Clio Barnard aime ce genre de tension entre la fable et le naturalisme, un passé prospère et un présent sinistré, Oscar Wilde et Ken Loach… Adapté d’un conte de l’écrivain irlandais, ce premier film de fiction assume ce qu’il doit au réalisateur de « Kes ». Elle filme les oubliés du royaume : familles décomposées, chômeurs et junkies, enfants déscolarisés, ferrailleurs crottés..
« Le géant » c’est d’abord une musique. Apre et rocailleuse, au diapason de cet accent du Nord qui fait sonner l’Anglais comme une langue inconnue. Quelques répliques suffisent à se sentir embarqué dans ce coin d’enfer. A cette topographie de l’Angleterre en crise, Clio Barnard ajoute un versant plus inattendu : une verdure postindustrielle. Sans cesser de traquer la rudesse du réel, elle s’aventure à la lisière du fantastique, là où surgissent des images presque surréalistes.
Nerveuse, abrupte, la camera à l’épaule capte la brusquerie des corps en mouvement. Leur vitalité aussi. Car la gageure du film est d’éviter le misérabilisme auquel invite son décor. Progressivement, une vision morale vient transcender le réalisme : un sursaut de la conscience, la quête d’un pardon comme on en voit dans le cinéma des Dardenne. Et les comédiens, deux ados grandis sur place, emportent tout sur leur passage. Mathilde Blottière (Telerama )