L’enfance d’Ivan
(1962) Russie de Andreï Tarkovski (1 h 31) Lion d’or Mostra de Venise
Synopsis :
Orphelin depuis l’assassinat de sa famille par les nazis, le jeune Ivan n’a plus qu’un but, se venger. Recueilli par un régiment de l’armée russe, il devient éclaireur et se faufile entre les barbelés des premières lignes allemandes jusqu’au jour où, contre l’avis de ses supérieurs, il accepte une dernière mission périlleuse
.Critiques:
L’Enfance d’Ivan contient fond et forme en son sein toutes les grandes figures de l’œuvre tarkovskienne à venir : mouvements de caméra amples, imbrication du souvenir et des faits, rapport poétique au réel, montage privilégiant la sensation de l’écoulement du temps dans les séquences, expressivité du sound design, recours à la citation culturelle (les gravures montrant sur une page la barbarie teutonne, sur l’autre la figure de Goethe, poète dont personne ne parvient à retrouve le nom) à l’archive (Berlin en ruines, les enfants morts de Goebbels), figure de la mère, d’une femme (Macha) plus humaine que ne le sont ceux qui ne veulent se définir que par leur fonction, intérêt méthodique pour le visage humain, complainte visuelle face à la misère de la condition humaine et, toujours, aspiration de la mise en scène dans le même instant vers un ailleurs, un autre état du monde. Jean Gavril Sluka (dvdclassik)
On ne trouve pas, chez lui, la moindre trace de « héros positif », auquel se condamnent tous les réalisateurs qui veulent vivre en paix avec le pouvoir. C’est en espionnant pour les siens que le petit Ivan est devenu cette machine à tuer : visage d’ange et coeur de pierre. Tarkovski le filme comme une caricature d’adulte, drogué à la violence et à la haine. Tous deviennent responsables de son état : l’ennemi invisible et omniprésent, mais aussi les Russes, qui ne se sont pas rendu compte du mal qu’ils lui faisaient…Cette vision iconoclaste attira l’attention des professionnels étrangers (Lion d’or du premier film à Venise), mais aussi celle des bureaucrates soviétiques, qui n’auront de cesse de brimer le cinéaste jusqu’à son exil en Italie, des années plus tard. Pierre Murat (Telerama)
Dans un noir et blanc épuré, au milieu des champs de bataille où s’érigent des ruines fumantes ou encore une croix affaissée, dans des marais profonds dominés par l’étrangeté d’une forêt éparse, le cinéaste nous conduit dans son cauchemar de guerre, celui d’une deuxième guerre mondiale sublimée par l’esthétique soviétique, la magie d’un symbolisme qui berce le regard face aux atrocités humaines et à l’absurdité des combats.
Pour étayer sa critique, il livre un orphelin aux serres de la guerre. Ivan et sa blondeur d’ange, devenu enfant soldat, ou messager de mauvaise augure, en tout cas, une figure déshumanisée qui a perdu toute sa candeur, à l’exception des songes étranges et lumineux qui l’habitent la nuit.
Premier long d’un maître qui allait devenir un paria dans sa patrie, et devoir finir par s’exiler, L’enfance d’Ivan est une merveille entre réalisme sordide et surréalisme ouaté. Un chef d’oeuvre à ranger parmi les défis cinématographiques des grands artisans du Septième art des pays de l’est, comme Wojcieh Has ou Béla Tarr. (Avoir à lire)
Le jeune diplômé du très rigide Institut cinématographique de Moscou, le VGIK, définit sa position esthétique. Derrière le film de genre officiel, une Armée Rouge héroïque combattant péniblement l’Allemagne nazie, apparaît ainsi un manifeste de maîtrise :chnique qui révèle l’ambition esthétique, poétique et mystique de Tarkovski : ce sentiment profond de l’étrangeté de l’homme au monde. Un rossignol qui chante entre deux bombardements ; un homme hagard, perdu au milieu d’un champ de ruines, là où était sa maison, à la recherche d’un petit clou, d’une petite flamme ; Ivan, qui tente avec obstination d’atteindre l’autre rive, invisible (Inrock)
Tarkovski, petit-fils et fils de poète qui s’est essayé à la peinture et a tout au long de sa vie pratiqué le dessin, n’est pas un cinéaste par défaut. Avec ses possibilités intrinsèques en matière de récit et de plasticité, le cinéma combine ce qu’il a pu considérer comme une sorte d’art total. Et à le lire ou à le voir, on comprend bien, cela a déjà été souligné précédemment, qu’il se considère comme, avant tout, un artiste, dont le medium d’expression est en l’occurrence l’art cinématographique. On ne peut pas dire qu’il ait un esprit de corps très développé, ses jugements envers ses condisciples sont souvent sévères, faisant état d’une consternation sans appel. Dovjenko, auteur notamment de La Terre, est par exemple l’un des seuls cinéastes soviétiques qui trouve grâce à ses yeux et à propos duquel s’opère d’ailleurs une indéniable filiation dans L’Enfance d’Ivan par certains décadrages et traitements de personnages inscrits en contre-plongée et contre-jour dans le paysage. Assez logiquement, Ingmar Bergman est l’un des quelques cinéastes européens dignes d’intérêt selon lui. Mais l’art tarkovskien est très loin de situer dans la citation cinématographique comme cela a été le cas, par exemple, pour la Nouvelle Vague française. Loin de considérer pour autant le cinéma comme illégitime ou mineur par rapport aux autres formes d’expressions artistiques, il s’agit surtout de faire entrer la culture et l’art dans sa propre œuvre. Arnaud Hée (Critikat)
La Rencontre cinématographique de Pézenas du 6 au 12 Février sera largement consacrée à la Russie .Le programme
http://www.lafccm.org/Rencontre/