
de Pema Tseden (1h26) 2018 Tibet
Une route, sur un plateau, à 5 000m d’altitude, un camionneur qui avait écrasé un mouton par accident prend un jeune homme en stop….. un film fascinant, par son mystère et la joie qu’il procure
Le Réalisateur :
Pema Tseden était un écrivain, réalisateur, scénariste et producteur chinois d’origine tibétaine né dans une famille de nomades tibétains en 1969. Il réalise d’abord des courts métrages. En 2005, il tourne son premier long métrage, The Silent Holy Stones, premier film tourné au Tibet avec une équipe et des acteurs tibétains. Ses trois films suivants ont été sélectionnés et primés dans les festivals internationaux.
En tant qu’auteur, il écrit à la fois en chinois et en tibétain. Ses livres ont été traduits en plusieurs langues.
Son arrestation et sa détention en juin 2016 pour des allégations de trouble à l’ordre public ont déclenché de vives réactions concernant l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre sur les ressortissants issus des minorités ethniques en Chine..
Seuls quatre films ont été distribués en France :Tharlo en 2018, Balloon en 2021, Jinpa et Le léopard des neiges en 2024 il est décédé en 2023 et n’a pas vu la sortie de son dernier film.
Critiques :
Si on peut imaginer, notamment à travers certains thèmes abordés en communication plus ou moins directe avec des usages bouddhiques, un rapport à la tradition locale, le film oppose surtout curieusement deux styles ou univers bien différents : à la fois un onirisme proche du surréalisme et une modernité décalée, voire déjà désuète qui a, pour qui ne connaîtrait rien du Tibet actuel, un petit air dystopique à la Mad Max.
Le film propose un récit à la fois très court et beau juxtaposant en une seule deux histoires, deux fables, comme les ornières laissées par les roues d’un camion dans le désert, et dont le croisement inattendu, étrange et peu évident, permettra à diverses interprétations de se faire. La forme quant à elle, distante et féerique, a le bon goût de ne pas donner les clés de cette fable du bout du monde, en instaurant plutôt habilement une forme de fascination jouant sur l’attente d’une résolution évidemment absente du film.
L’interview du réalisateur :
Mais votre approche est tout à fait unique. Vous dépeignez le quotidien avec une approche poétique. Par exemple « Jinpa », malgré son réalisme, est un film très symbolique. Vous représentez également des personnages de manière non stéréotypée, par ex. montrant des moines profitant de la télévision…
L’idée générale est de décrire la vie des Tibétains aussi près que possible de la réalité, mais aussi de manière à ce qu’elle soit compréhensible par un public plus large, que ce soit en Chine ou dans le monde.
Ce qui est intrigant, c’est que je suis souvent confronté à toutes sortes de commentaires négatifs de la part de Tibétains qui vivent hors de Chine et ne sont pas allés au Tibet depuis 20 ou 30 ans ou de ceux qui sont nés à l’étranger. Ils ont une certaine vision du Tibet dont ils se souviennent du passé. Il arrive que dans mes films, des personnages tibétains utilisent des mots chinois ou disent quelque chose en chinois, ce qui se produit réellement dans la vie de tous les jours.
Les téléspectateurs que j’ai mentionnés ont du mal à accepter. Ils me demandent comment représenter les Tibétains parlant chinois. Mais pour moi, la plus grande préoccupation est de fournir l’image la plus précise et la plus authentique du Tibet moderne, sans aucune idéalisation et indépendamment de l’imagination ou des souhaits de chacun quant à la façon dont il aurait dû être représenté.
Je reçois aussi ce genre de commentaires à propos des personnages portant des vêtements occidentaux. « Comment est-ce possible, puisque les Tibétains portent des vêtements traditionnels ? » Quel paradoxe, la réalité du Tibet que je décris n’est pas celle qu’ils s’attendent à voir.