Oslo 31 Août

 osloOSLO 31 AOUT

(2011) Joachim Trier. (1 h 36)       Norvège

Scénario : Eskil Vogt, Joachim Trier. Avec: Anders Danielsen Lie , Hans Olav Brenner , Ingrid Olava

Synopsie :

En fin de cure de désintoxication, Anders se rend en ville pour une journée, à l’occasion d’un entretien d’embauche. Il en profite pour renouer avec sa famille et ses amis, perdus de vue. Une lutte intérieure s’engage en lui, entre un profond sentiment de gâchis face aux occasions manquées, et l’espoir d’une belle soirée et, peut-être, d’un nouveau départ…

Joachim Trier :

Bien qu’il soit originaire du Danemark et qu’il fasse ses films en Norvège, Trier apprend tout du cinéma en Angleterre, où il réalise et écrit un premier court métrage très remarqué, Still, en 2000. Un scénario déjà co-écrit avec Eskil Vogt,  Deux ans plus tard il tourne son second court métrage, toujours en Angleterre mais avec une équipe norvégienne, Procter. Un film qualifié de «thriller philosophique», et multi récompensé. En 2006, Trier décide de passer à la réalisation de long métrage avec Nouvelle Donne, l’histoire de deux amis écrivains, dont l’un connaît le succès mais que celui-ci va rendre fou, le film traite de la désillusion post adolescente, du mal être et des rêves de jeunesse envolés

Critiques

Voilà un film qui, au lieu de nous divertir aimablement comme tant d’autres, semble nous demander pourquoi on vit, nous rappeler pourquoi on meurt. D’une beauté foudroyante, d’une lucidité perçante, Oslo, 31 août est une perle rare. Son héros au bord du vide est du genre inoubliable. L’effet de sidération commence dès le prologue, série de vues de la capitale norvégienne, étrangement déserte, sur fond de voix intérieures et souvenirs de jeunesse : « Les marches interminables vers des fêtes bizarres auxquelles on ne savait jamais si on était vraiment invités ou pas… »  Louis Guichard (Telerama)

En découvrant Anders dans les premiers plans d’Oslo, 31 août, son visage fermé, ses cheveux ras, son blouson, on pourrait le prendre pour un skinhead, l’un de ces pauvres héros du cinéma social européen, ballottés par la crise. Il ne faut pas se fier à cette apparence, Anders (Anders Danielsen Lie) est fait d’une autre étoffe. Il descend du jeune Werther à travers Alain, le protagoniste du Feu follet de Drieu La Rochelle, roman dont est tiré le scénario du film de Joachim Trier, son deuxième long-métrage. Le jeune metteur en scène norvégien fait traverser une journée de fin d’été à cet être tourmenté et ces quelques heures deviennent un film fin et sensible, mais pas dépourvu de cruauté.  (Le Monde)

«Je me souviens… Je me souviens…», citant Georges Perec, Oslo, 31 août s’élance dans un entrelacs de voix et de souvenirs de la capitale norvégienne. Collage d’éclats d’intime évanescent et de grands tremblements collectifs, empreintes nineties de petits riens adolescents ou effondrement monumental de la tour Philips, à Oslo, en avril 2000, comme une répétition inconsciente du devenir poussière des grandes sœurs new-yorkaises. On vante le sentiment de liberté, les beautés changeantes de la ville, mais celle-ci mute sans cesse, ne laissant prise à personne à mesure que les souvenirs s’estompent et les édifices s’affaissent. Aux intersections de cette élégiaque polyphonie s’esquisse peu à peu une béance partagée, les contours d’un inconnu, une silhouette que tous ont sans doute croisée, mais que nul n’a saisie. (Liberation)

Ainsi, du passé d’Anders, on ne saura rien. On ne verra pas ses parents ; on ne comprendra pas ce qui l’a poussé à rejoindre les bras troués d’une Morphée toxicomane. Il y a bien quelques photos que la caméra, poussée par la lenteur de ses propres mouvements, nous montrent de temps en temps. Mais ces images du passé ne dessinent que des silhouettes illisibles. Le vécu d’antan est le point aveugle du récit et Anders porte tout entier le fardeau de cet oubli. Il en est la conscience désœuvrée, Atlas amnésique figé dans la contemplation de sa propre incapacité à trouver dans son passé suffisamment d’actions valables pour se remettre dans la course à la vie. C’est que la machine à se remémorer est définitivement cassée. Matthieu Bareyre  (Critikat)

L’interview

Quand vous faites un film, quels sont vos objectifs ? Vers quoi voulez-vous aller ?

J’essaie d’obtenir la plus grande vérité d’une image, émotionnellement parlant. Ne pas utiliser une musique trop visiblement sentimentale, ou cliché, par exemple. Trouver une idée originale pour représenter les comportements humains, partir de quelque chose de spécifique. Plus je travaille, plus je m’attache à représenter ce que je connais, d’après nature. J’ai commencé par faire des courts-métrages assez abstraits, plus travaillés par l’imagination, l’idée d’un monde alternatif… Puis je suis revenu vers quelque chose de plus concret. Je pense qu’il y a bien assez de poésie et de beauté à trouver dans la réalité et ce qu’elle cache. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi de travailler sur Oslo, par exemple : c’est une ville que je connais bien. J’y ai grandi.

Quels sont les réalisateurs, ou artistes en général, qui vous influencent le plus dans votre travail ?

J’ai toujours été fasciné par les gens capables de mettre leur caméra dans un endroit nouveau. Jamais par maniérisme, mais avec intelligence et avec coeur. Il peut s’agir aussi bien de la façon dont Woody Allen peint les rapports humains que de la portée philosophique des images d’Antonioni ou de Bresson : dans tous les cas, ce sentiment qu’un cliché vient d’être mis tête en bas.

Que vouliez-vous montrer dans « Oslo » qui sorte du cliché ?

J’ai essayé de la peindre comme une ville au charme caché. On peut voir en elle la banlieue de l’Europe : une grande ville faite de petites villes, caractérisée en profondeur par ce mélange. On y trouve cette population que vous appelez ici « bobo », bohème et bourgeoise. Les parents d’Anders en font partie : des gens nés dans un milieu cultivé, qui ont bénéficié d’une bonne éducation, semblent avoir tous les choix. Mais même avec tout cela, certains se détachent et partent à la dérive. C’est ce mystère existentiel qui m’intéressait : un personnage qui n’est la victime de personne d’autre que de lui-même.

Qu’aviez-vous comme références au moment du tournage ?

Je me suis intéressé à cette manière particulière de raconter une histoire en un jour, parce qu’elle permet de faire de chaque instant ou presque un instant-clé, mais aussi parce qu’elle respecte la véritable structure temporelle de la journée, son alternance d’échanges et de silences… J’ai pensé à Cléo de 5 à 7, d’Agnès Varda, à La 25e Heure, de Spike Lee, La Nuit, d’Antonioni… Des films auxquels la structure temporelle de l’histoire apporte une densité unique.

 

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