Cleveland contre Wall Street

cleveland contre wallstreetCleveland contre Wall Street

De Jean-Stéphane Bron

France/Suisse 2010  1h38

Fiche technique

Réalisation et scénario :J.S. Bron ;image : Julien Hirsch ; montage :Simon Jacquet ;interprétation :Barbara Anderson, Keith Taylor, Michael Osinski

Synopsis :

Le 11 janvier 2008, Josh Cohen et ses associés, avocats de la ville de Cleveland, assignent en justice les 21 banques qu’ils jugent responsables des saisies immobilières qui dévastent leur ville. Mais les banques de Wall Street qu’ils attaquent s’opposent par tous les moyens à l’ouverture d’une procédure. Ce film raconte l’histoire d’un procès qui aurait dû avoir lieu. Un procès de cinéma, dont l’histoire, les protagonistes et leurs témoignages sont bien réels. La réalité, c’est aussi 100.000 personnes expulsées de leurs maisons, des milliers de saisies immobilières, victimes directes de la crise des subprimes et de la titrisation boursière. La ville de Cleveland, symbole historique de la « Rust Belt » ( ceinture de la métallurgie) est emblématique de la crise.

 

Les intentions de l’auteur:

Documentariste vaudois de 41 ans, J.S. Bron a voulu raconter la genèse et l’histoire de ce procès qui, à ce jour, reste virtuel. D’après le réalisateur, même s’il y a une part de mise en scène évidente, le film se situe clairement ( ?) dans le registre du documentaire : les protagonistes ne jouent pas un rôle, ils ne se sont pas mués en  acteurs. Ils ne disent pas un texte, ils expriment leur vérité. Ils témoignent. Rien n’est prévu, écrit ou répété : ils découvrent les témoignages au moment du tournage qui a pris trois semaines. Le film repose sur le principe de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire, sur la confrontation de deux points de vue par témoins interposé. Le défilé des  témoins de l’accusation va révéler  la réalité pathétique de cette région durement touchée, à travers l’évocation  de divers cas de faillites personnelles dues aux banques. Les témoins de la défense, dont Peter Wallison, avocat ultralibéral conservateur et ancien conseiller de Reagan à la Maison Blanche, vont s’acharner à démontrer que seuls les individus, par goût du gain facile, sont responsables de ce qui leur est arrivé. Pour l’avocat des banques, Keith Fisher, la cause est entendue : les habitants de la région sont coupables d’avoir voulu acheter des maisons  trop chères pour eux. Ils ont eu le tort de croire au rêve américain. Ce qui se joue dans ce film, c’est la vision qu’auront désormais les Américains du capitalisme : d’un côté des citoyens républicains qui considèrent que tout relève de la conscience individuelle, que tout pauvre ne peut être que la victime de sa propre irresponsabilité et de l’autre, les démocrates qui jugent que ce sont les banques et un système non régulé qui sont responsables :les banques ont menti, trompé leurs clients les plus pauvres en les endettant sciemment au-delà de leurs possibilités.

La critique :

Rappel de la logique du système capitaliste, invocation de la responsabilité individuelle,ce registre-là est puissant, y compris pour la population pauvre de Cleveland qui en pais les conséquences au prix fort. Au reste, l’avocat de Wall Street est bien disposé à l’égard de ceux qui ont tout perdu. Il compatit même : « Nous voulons tous l’inaccessible . » Cette institution a-t-elle vraiment pris un risque en prêtant a des pauvres, fût-ce à des taux exorbitants ? Même pas . Car les hypothèques ont à leur tour été transformées en produits financiers, « titrisées », puis vendues à des épargnants en quête d’un rendement plus élevé qu’un vulgaire bon du Trésor. Ce fut cela aussi « l’innovation financière ». Le risque que les banques avaient pris, elles s’en défaussèrent presque aussitôt, le diffusant promptement à des millions d’investisseurs, gros mais aussi petits.Aux Etats-Unis , les banques ont été sauvées par l’Etat. Résultat : les adversaires républicains de Barak Obama le qualifient  de « socialiste » !           (Serge Halimi )

         

  « C’est pourtant dans ces mêmes quartiers sésertés que le film donne encore quelques raisons d’espérer.On y trouve une société civile combative, dont la volcaniqueBarbara Anderson, membre de la partie civile, est l’une des figures de proue. Animatrice d’une cellule militante à Slavic Village, Barbara incarne un solide esprit de résistance grandi sur les ruines d’un mythe. Car, au-delà des subprimes, c’est bien de la faillite d’une certaine  Amérique que ce procés prend acte : celle de la vie à crédit et du mirage de la surconsommation. L’avocat de Wall Street ne s’y trompe pas, qui ose  inviter le jury à « continuer le rêve américain » en citant Churchill : « Quand tu traverses l’enfer, surtout continue d’avancer. »           (Mathilde Blottière)

 

 

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