Guibord s’en va-t-en guerre

guibort Guibord s’en va-t-en guerre

      Canada  Philippe Falardeau  (1 h 44)    – 2016 –

Avec  Patrick Huard, Irdens Exantus, Clémence Dufresne-Deslières

 Synopsis :

Steve Guibord est un membre indépendant du Parlement Québec-Nord. Un coup du sort politique l’amène à effectuer seul un vote décisif : le Canada doit-il entrer en guerre avec le Moyen-Orient ? Sans expérience et sans équipe, mis à part son stagiaire Souverain, un étudiant haïtien en sciences politiques, ils embarquent alors tous deux pour une tournée politique qui les mettra sur le chemin de pacifistes, de miniers, de routiers et de groupes aborigènes…

Biographie :

Après des études sur la politique canadienne et les relations internationales, Philippe Falardeau  réalise des courts métrages et en 1997, un moyen métrage documentaire sur l’immigration chinoise au Canada : « Pâté chinois ». En 2000, son premier long métrage de fiction, La Moitié gauche du frigo, réunit deux amis en proie au chômage. Congorama, en 2006, narrera les aventures d’un belge à la recherche de ses origines au Québec. En 2008, C’est pas moi, je le jure! met en scène un petit garçon, agité, mal dans sa peau, puis un  grand succès : Monsieur Lazhar avec Mohamed Fellag qui interprète, à Montréal, un algérien menacé d’expulsion Enfin, avant Guilbord, en 2014 The Good Lie Inspirée de faits réels, l’histoire incroyable de 4 orphelins, rescapés d’une attaque de leur village au Soudan

Critiques:

Cette fable politique québécoise est non seulement extrêmement drôle mais s’avère aussi une ode formidable au débat démocratique et politique, dans une période où la trahison des élites a détourné les citoyens des urnes et les a dégoûtés d’un jeu électoral dont les dés sont trop souvent pipés  Utopia

Fable caustique sur la démocratie et la responsabilité, Guibord s’en va-t-en guerre renverse malicieusement les rapports Nord-Sud en faisant du stagiaire, ressortissant d’une ex-dictature du tiers-monde et féru de Jean-Jacques Rousseau, le révélateur des hypocrisies et des défaillances du système. A ses côtés, le chantre de l’humour québécois Patrick Huard (révélé par Starbuck, le film de Ken Scott) incarne parfaitement le politicien de proximité, à la fois scrupuleux et calculateur. Guibord restera comme l’un des élus les plus attachants du cinéma. — Mathilde Blottière

Cette comédie amusante et réjouissante, dont le rythme est soutenu par la musique primesautière et exotique de Martin Léon, est servie par d’excellents acteurs, aux registres habituellement différents (Patrick Huard, abonné au cinéma populaire ; Suzanne Clément, aux œuvres d’auteur ; Micheline Lanctôt, connue comme réalisatrice), de jeunes acteurs (Clémence Dufresne-Deslières, Sonia Cordeau). Et une révélation, Irdens Exantus, comédien promis à un bel avenir, en Candide pétillant, ahuri et débrouillard, innocent et ingénieux, qui illumine ce road-movie. En optant pour le comique, Philippe Falardeau réussit à renouveler le cinéma politique. Jean-Claude Raspiengeas  La croix

Un personnage est  particulièrement réussi : le stagiaire Souverain Pascal qui sert de spin doctor à Guibord. Nouveau « valet » de comédie bien plus brillant que son maître, Souverain cite à tort et travers Rousseau, Voltaire et Montesquieu, témoignant d’une érudition phénoménale en matière de sciences politiques complètement décalée par rapport au quotidien prosaïque de Guibord. Les deux personnages forment alors un couple platonique et inséparable, assemblant de manière jouissive les deux faces inconciliables de la politique : l’idéalisme d’une part, le pragmatisme de l’autre. La joie qui se dégage du film, assurément, vient de ce personnage ingénu, passionné et malin, capable des solutions les plus ingénieuses grâce à son herméneutique savante des affaires du monde. Grâce à lui, la comédie de Philippe Falardeau respire un peu, rêve le triomphe de la culture et de l’intellect, s’échappe enfin vers un ailleurs salutaire : la petite ville de Port-au-Prince, auprès de laquelle Souverain raconte via Skype la vie politique québecoise, seul et unique moment de storytelling authentiquement contemporain. Critikat

L’interview :

Cartes géographiques, prises de vues à vol d’oiseau, vous nous ramenez souvent au point de vue du ciel, à la notion de territoire…

Pour moi, un film doit d’abord se cartographier : unité d’action, de lieu, de drame. Les vieux principes de la tragédie grecque s’appliquent au cinéma, de façon à situer le spectateur. J’ai commencé à « cartographier » mes films avec C’est pas moi, je le jure!. J’avais introduit des hauts plans perchés, des top shots. Monsieur Lazhar commence aussi de cette façon. J’aime situer le spectateur dans l’espace. Pour Guibord s’en-va-t-en guerre, j’ai voulu des plans aériens pour illustrer le rapport entre la taille du territoire et les problèmes politiques. Il faut comprendre que certains comtés au Canada font plusieurs fois la taille d’un pays européen. C’est impossible de gouverner, ou même de représenter, un aussi grand territoire. « Le Canada c’est peu d’histoire et trop de géographie » pour paraphraser Steve Guibord, qui lui-même paraphrase l’ancien Premier ministre William Lyon Mackenzie King. Je tenais aussi à ce que le comté soit fictif. D’abord, parce que je pouvais lui donner la configuration souhaitée pour encapsuler le récit – le jeu des barrages routiers, etc. – mais aussi pour éviter de limiter le propos à une seule région du Québec.

En quoi le passé de Guibord, comme joueur de hockey, l’a-t-il préparé à sa deuxième carrière ?

D’abord, elle prouve à ses électeurs qu’il appartient au groupe. Qu’il ne s’élève pas au dessus de la masse. Au Québec, le hockey est très fédérateur. Il mobilise et rassemble indifféremment fédéralistes et souverainistes. Par ailleurs, les politiciens et les hockeyeurs sont ceux qui disposent du plus grand temps d’antenne dans les médias canadiens. Quand ils convoquent une conférence de presse, les journalistes accourent. Et les deux ont souvent en commun de ne rien dire. Ou d’avoir appris à ne rien dire

Le personnage de Souverain, qui devient l’acolyte de Guibord, est un stagiaire fraîchement arrivé d’Haïti. Quelle était votre perception de ce pays lorsque vous avez commencé l’écriture et quelle image vouliez-vous projeter sur l’écran ?

J’ai été inspiré par l’écrivain Dany Laferrière [auteur de Pays sans chapeau, L’Énigme du retour – Prix Médicis 2009. ndlr] qui, deux jours après le séisme en 2010, ripostait à une question d’une journaliste qui lui parlait de la malédiction d’Haïti. Il refusait cette vision superstitieuse et misérabiliste. Je pense comme lui que le peuple haïtien, au-delà des problèmes, est fort, allumé, futé. Et surtout, j’aimais l’idée que dans mon film, le Sud observe le Nord dans un processus démocratique où c’est habituellement l’inverse qui se produit. Enfin, je voulais aussi montrer que, pour certaines personnes, la démocratie veut encore dire quelque chose.

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