Crosswind – La croisée des vents

Crosswind- La croisée des vents

La croisée des vents

de Martti Helde –  Estonie 2014 ( 90 min)

 FICHE TECHNIQUE :

Titre original : Risttuules   – Titre international : In the Crosswind –  Titre français : Crosswind : La Croisée des vents

Réalisation : Martti Helde

Scénario : Martti Helde et Liis Nimik, d’après des lettres réelles de déportées

Musique : Pärt Uusberg Photographie : Erik Põllumaa Montage : Liis Nimik et Tanel Toomsalu

Décors : Reet Brandt Costumes : Anna-Liisa Liiver

Distribution : Laura Peterson : Erna – Mirt Preegel : Eliide – Ingrid Isotamm : Hermiine- Tarmo Song : Heldur – Einar Hillep : le chef du kolkhoze

SYNOPSIS :

Le 14 juin 1941, suivant un ordre de Staline, des Estoniens sont arrêtés arbitrairement, dépossédés de leurs biens et déportés, pour la seule raison de leur appartenance à la culture estonienne. Parmi eux, figure Erna, qui est envoyée en Sibérie avec sa petite fille, et séparée de son mari, déporté ailleurs. Pendant les 15 ans que dureront sa détention, elle continuera d’écrire des lettres à son mari pour raconter ce qu’elle vit et continuer d’espérer.

PROPOS DU RÉALISATEUR :

De quelle documentation disposiez-vous ?

Quasiment rien n’existe. Il n’y a aucun film, aucun documentaire sur les camps en Sibérie, aucune photo non plus, car les Russes, contrairement aux Allemands, ne faisaient pas d’archives. Alors j ’ai consacré une année à lire tous les témoignages biographiques existants sur le sujet, à rencontrer les survivants qui acceptaient de parler. J’ai fouillé les archives, et c’est ainsi que j’ai pu lire les lettres qu’Erna avait écrites, mais jamais envoyées, puisqu’elle ignorait où se trouvait son mari.

Vous dites : « je ne triche pas ». C’est pourquoi vous n’avez pas recours à la 3D, vous préférez la réinventer ?

Absolument. Je déteste la 3D, c’est de la triche. Je déteste les effets spéciaux, d’une manière générale, s’ils ne sont pas absolument nécessaires. Par exemple, dans le film, j’ai eu recours à des effets spéciaux pour une raison précise : il n’y a pas de montagnes en Estonie, alors qu’il y en a en Sibérie … Je pense qu’ au cinéma, la forme doit naître de l’idée, elle doit en être la conséquence. La forme pour la forme, c’est de la frime, cela ne m’intéresse pas.

Comment avez-vous collaboré avec votre directeur de la photographie sur le visuel de votre film ?

On a d’abord beaucoup exploré les livres et les images qui pouvaient nous servir. On a fait de longues sessions durant lesquelles nous échangions des images. J’ai apporté tous les livres imaginables sur la peinture et les sculptures. Comment la lumière était utilisée dans telle peinture, pour quel effet sur le visage ? Ce qui était important avec les peintures et les sculptures, c’est qu’elles présentent des sujets en mouvement tout en étant fixes. Ça a été une énorme inspiration pour nous. Pour la caméra, on a établi des règles (théoriques, la plupart du temps), et on a essayé d’être clairs en amont. De quel sentiment parle t-on, et comment l’exprimer ? Le sentiment est venu avant toute chose. Comment exprimer le deuil ? C’était comme une carte des sentiments. On n’avait pas de scénario, mais on savait qu’on voulait explorer 13 sentiments, et que l’histoire serait racontée par ces émotions. Chaque action devait représenter un sentiment. Ça n’est pas une façon de faire très traditionnelle.

Vous avez parlé de peintures mais avez-vous trouvé l’inspiration dans d’autres films par exemple ?

Non pas vraiment. On ne voulait surtout pas copier d’autres films, ça n’avait pas vraiment de sens sur un tel projet. Néanmoins, nous avons eu deux inspirations. Il y a eu Michael Haneke et son utilisation de la peur : la peur sociale, la peur intime, la peur de perdre quelqu’un etc. Et il y a eu Bela Tarr avec Le Cheval de Turin : quelle est l’essence de ces plans longs dans lesquels il ne se passe rien et qui pourtant sont intéressants.

Pouvez-vous parler de l’impressionnant travail qui a été fait sur le son :

Comme nous tournions par bribes, à cause du manque d’argent, à chaque pause, on montait ce qu’on avait filmé, puis on l’envoyait au responsable du son pour qu’il puisse travailler. Et son travail était tellement enrichissant que je refaisais le montage, autour de son travail. Mais ensuite, chaque nouveau plan tourné modifiait la perception du film. Donc, le pauvre a dû retravailler plusieurs fois les mêmes plans, ce qui lui a donné le temps de peaufiner son travail, de trouver de nouvelles idées, qui ont à leur tour rejailli sur le montage. Son apport et celui du compositeur ont été déterminants. Combien de temps aurez-vous mis à réaliser ce film ? Bien plus longtemps que je ne l’aurais imaginé au départ… j’ai commencé à y travailler, alors que j’étudiais encore à l’école de cinéma. J’avais 23 ans. J’ai mis 4 ans à réaliser le film. Je l’ai fini au début de cette année. J’ai 27 ans

  CRITIQUES :

 De même qu’il n’y a pas de mot, entend-on, pour désigner la mère qui perd son enfant, on a le sentiment en voyant Crosswind qu’il n’y avait pas d’autres manières de traiter de ce traumatisme : à la fois la distance de la voix-off, celle du noir et blanc, celle de la vieille photographie ; et un artifice qui paradoxalement permet de ressentir au plus près la détresse des personnages.     FILMCULTE Nicolas Bardot

Tout nous est montré sans pathos ni complaisance : la violence des soldats de l’Armée rouge, le voyage en wagon à bestiaux, le froid et la faim en Sibérie, la mort des enfants, l’exécution des hommes, les violences sexuelles. En dépit de la lenteur apparente des mouvements d’appareils et de la construction en longs plans-séquences, le rythme du film est très fluide et le spectateur est presque étonné d’arriver au bout du voyage. La bande son est remarquablement travaillée, parfois en accord avec les images, parfois annonçant ce qui va suivre, avec une belle musique douloureuse de Pärt Ususberg.    Gérard-Michel Thermeau. CRITIKAT

Cependant ce défi esthétique n’évite pas l’écueil d’une forme utilisée de manière trop systématique. CROSSWIND autait mérité plus de variations pour coller à l’émotion des personnages et donc du spectateur, qui peut se perdre dans cette trop grande exigence formelle. Mais Martti Helde fait déjà preve d’une invention cinématographique hors normes.

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